La moitié des cigarillos aromatisés sont trop légers et ne respectent pas la loi

Test de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT) a vérifié à quel point les petits cigares respectent les articles de la Loi sur le tabac fédérale entrés en vigueur en juillet 2010. Le constat de la Coalition? Ils ne s’y conforment guère.
À peine modifiés, les « petits cigares » ont conservé leur attrait auprès des jeunes.

En 2009, la Loi sur le tabac a été modifiée à la suite de l’adoption du projet de loi C-32, qui restreint la commercialisation du tabac auprès des jeunes. Les nouvelles règles abolissent notamment les petits cigares aromatisés sans filtre qui pèsent moins de 1,4 gramme. L’objectif : réduire l’attrait des jeunes pour les cigarillos, dont le goût sucré fait presque oublier la toxicité. En effet, en 2008, au Québec, plus d’élèves du secondaire consommaient uniquement des cigarillos (7 %) que des cigarettes (4 %), selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) (11 % des étudiants fumaient les deux et 78 % étaient non-fumeurs). Toujours en 2008, 6 % des élèves non-fumeurs depuis toujours avaient consommé des cigarillos, menant l’ISQ à conclure que ceux-ci jouent un rôle dans l’initiation au tabagisme.

Cigares Colts : plus des 2/3 ne sont pas conformes

Pour vérifier à quel point les amendements à la Loi sur le tabac étaient respectés, la CQCT a pesé au centième de gramme près 400 produits vendus comme des cigares aromatisés. Conclusion : 48 % d’entre eux pèsent moins de 1,4 gramme et contreviennent donc à la loi.

Cette expérience de la Coalition montre que les cigares Colts – distribués par Groupe tabac scandinave Canada (GTSC) – se distinguent par un taux de non-conformité particulièrement élevé. Ainsi, 67 % des Colts Mild Rum & Wine et 70 % des Colts Sweets vérifiés sont trop légers! Toutes marques confondues, le poids moyen des quelque 200 échantillons illégaux était 5 % moins élevé que le minimum exigé, soit 1,33 gramme.

La Coalition québécoise a examiné la nouvelle génération de petits cigares, conçus spécialement pour contourner la loi fédérale de 2010.

Même en allouant une marge de manoeuvre aux variations dues au processus de fabrication, ces cigares ne passent pas le test, soutient la CQCT. Ainsi, l’organisation note que le Règlement sur le potentiel incendiaire des cigarettes de Santé Canada, par exemple, exige que 75 % des échantillons d’un produit soient conformes pour que le produit le soit. En utilisant le même critère pour le poids des cigares, pas moins de neuf produits étudiés sur dix n’auraient le droit d’être vendus au Canada.

Le discours est assez différent du côté des fabricants. « Les rapports trimestriels que nous envoyons à Santé Canada montrent que nos cigares Colts pèsent plus de 1,4 gramme à la sortie de l’usine », jure André Blais, porte-parole du GTSC. Selon lui, les cigares perdent une partie de leur humidité au cours de l’entreposage et, donc, une partie de leur poids.

« Nous n’avons pas regardé la situation dans le reste du pays, mais, puisqu’on y trouve les mêmes produits qu’au Québec, on peut présumer que la situation y est identique », avance Cynthia Callard, directrice de Médecins pour un Canada sans fumée.

Un gouvernement conciliant?

Les groupes pro-santé dénoncent la relative passivité du gouvernement dans ce dossier. En effet, le premier ministre canadien Stephen Harper a déclaré en juillet 2010 que « la conformité [aux modifications apportées à la loi] sera surveillée, de même que [sa] mise en application [et que] […] la loi sera réexaminée, si cela s’avère nécessaire. »

« Je suis déçue que, malgré ces promesses, Santé Canada ne réagisse pas au faible poids des cigarillos, dit Mme Callard. Si cela dure, nous allons approcher les gouvernements provinciaux. »

Du côté de Santé Canada, on affirme pourtant procéder aux suivis nécessaires. « Des inspecteurs de partout au pays ont recueilli et pesé des échantillons de cigares […] [et constaté] que certaines marques de cigares contrevenaient aux exigences minimales d’emballage des petits cigares », écrit dans un courriel la porte-parole du ministère, Olivia Caron. Santé Canada ne prend pas à la légère ces infractions à la loi, ajoute-t-elle. Des sources citées dans le quotidien montréalais 24 heures concèdent toutefois que « Santé Canada est au courant que certains producteurs […] ont de la difficulté à se conformer à la nouvelle loi ». Santé Canada refuse cependant de se prononcer sur le cas particulier du GTSC pour des raisons de confidentialité.

La clé : prévoir les stratégies des compagnies

L’ironie de cette histoire : « Nos tests ont spécifiquement ciblé les produits que les manufacturiers ont lancés à la suite de l’adoption de la loi C-32 », dit Flory Doucas, codirectrice de la CQCT. Certes, ces nouveaux cigares aromatisés, sans filtre et à peine plus gros qu’un cigarillo ne respectent guère l’esprit de la loi. Mais la Coalition montre qu’ils n’en respectent même pas la lettre!

Les groupes pro-santé réclament des mesures plus strictes. L’expérience de la CQCT, publiée en avril, conclut notamment que le gouvernement doit « anticiper les stratégies des compagnies de tabac lorsqu’il rédige ses lois ».

« Il aurait dû interdire les saveurs dans tous les produits du tabac, incluant la chicha, les cigares et le tabac à chiquer, précise Flory Doucas en entrevue. Cela aurait notamment facilité l’application de la loi tout en limitant les échappatoires. L’autre solution était de déclarer un moratoire sur l’introduction de nouveaux produits du tabac. »

Méthodologie maison

La CQCT a analysé dix marques de produits vendus comme des « cigares » : Bullseye Extra (cerise), Bullseye Extra (pêche), Colts Sweets, Colts Mild (rhum et vin), Honey T (cerise), Honey T (pêche), M by Colts (blanc), M by Colts (latte), PrimeTime Plus (cerise) et PrimeTime Plus (pêche). Ces produits proviennent de trois distributeurs : Groupe tabac scandinave Canada, Casa Cubana et Distribution GVA.

Pour minimiser les biais liés à la fabrication ou l’entreposage, la CQCT a soigneusement échantillonné ses 400 cigares. L’organisme a acheté deux paquets de cigares de chacune des dix combinaisons marque-saveur dans cinq magasins différents de la grande région de Montréal. Elle a ensuite prélevé quatre cigares dans chaque paquet.

La CQCT a retiré les emballages et les embouts des cigares avant de les peser. Enfin, par souci de transparence, toutes les procédures ont été filmées.

Anick Perreault-Labelle