La Loi sur le tabac du Québec, telle qu’améliorée

En juin 2005, le gouvernement du Québec a renforcé sa Loi sur le tabac, pour offrir à la population une meilleure protection contre la fumée secondaire à l’intérieur des lieux publics, notamment des restaurants et des bars. Bien que cette mesure ait fait couler beaucoup d’encre, elle n’est pas la seule à avoir été adoptée. Voici un survol des principaux changements à venir.
Interdiction de fumer

À compter du 31 mai, l’usage du tabac sera interdit dans plusieurs lieux publics tels que les salles de quilles, de billard, de bingo ainsi que ceux où se déroulent des activités culturelles, sportives, artistiques ou de loisirs. Ce sera également le cas dans :

  • Les bars;
  • Les restaurants;
  • Les clubs privés;
  • Les véhicules de travail transportant deux personnes ou plus (ex : taxis);
  • Les aires communes des immeubles de 6 logements ou plus;
  • Les services de garde en milieu familial (aux heures où les enfants sont présents);
  • Les tentes, chapiteaux et autres installations, montées de façon temporaire ou permanente;
  • Les salles (autres qu’un logement privé) où ont lieu des réceptions.

Notez que depuis décembre 1999, il est aussi proscrit de fumer dans la plupart des milieux de travail, des endroits où se déroulent des activités destinées aux mineurs, de même qu’à l’intérieur des véhicules de transport en commun et des abribus.

Dehors, la cigarette n’est pas réglementée, sauf dans un rayon de neuf mètres des portes des établissements de santé, d’éducation ou des lieux où se tiennent des activités accessibles aux mineurs. Si cette zone excède les dimensions du terrain visé, l’interdiction de fumer s’applique jusqu’à sa limite. Dès la prochaine rentrée scolaire, il ne sera plus permis de fumer sur le terrain des écoles primaires et secondaires, et ce, tant pour les membres du personnel que pour les élèves.

Terrasses

En ce qui concerne les terrasses des restaurants et des bars, il sera permis de fumer sur celles qui sont à ciel ouvert ou seulement recouvertes d’un auvent, d’un toit ou de parasols. Les terrasses disposant de murs ou d’un dispositif pour les fermer devront obligatoirement être sans fumée, même si les dispositifs sont ouverts.

Fumoirs

Les dirigeants et employés de lieux disposant déjà de fumoirs ventilés pourront continuer à les utiliser jusqu’au 30 mai 2008. Cependant, les clients n’y sont pas admis.

En échange d’une permission d’aménager des fumoirs recouverts (ex : abris « Tempo ») à l’extérieur, la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec a finalement signifié au ministre de la Santé, Philippe Couillard, son intention de se conformer à la législation. Il ne faut toutefois pas oublier que plusieurs villes du Québec défendent l’aménagement d’abris Tempo en tout temps ou à certaines périodes de l’année, par exemple, l’été. En outre, les municipalités ont maintenant le droit d’adopter des règlements plus sévères que la loi provinciale. Elles pourraient donc interdire ce type de fumoirs.

Lieux d’hébergement touristiques

Les propriétaires d’hôtels, de motels, d’auberges, de gîtes ou de pourvoiries peuvent permettre l’usage du tabac dans un maximum de 40 % des chambres offertes à la clientèle. Afin d’assurer une protection optimale aux non-fumeurs, ces chambres doivent être regroupées.

Autres lieux d’hébergement

La consommation de cigarettes peut également être autorisée dans une proportion ne dépassant pas 40 % des chambres :

  • Des résidences pour personnes âgées et centres de soins de longue durée;
  • Des établissements psychiatriques;
  • Des centres offrant de l’hébergement aux personnes démunies ou en détresse.

Les fumoirs sont permis dans ces lieux d’hébergement, à condition qu’ils ne soient utilisés que par les bénéficiaires et qu’aucune nourriture n’y soit consommée.

Prisons

Alors que la cigarette est maintenant bannie des prisons fédérales, les centres de détention provinciaux permettent encore l’usage du tabac partout sauf dans les cafétérias, salles de cours ou de réunion, gymnases, lieux de culte ou bibliothèques.

Salon de cigares

Seuls les salons de cigares ayant généré 20 000 $ ou plus en 2005 peuvent poursuivre leurs opérations. Les propriétaires ont jusqu’au 1er novembre 2006 pour munir leur établissement d’un système de ventilation adéquat, assurant une pression d’air négative et permettant d’évacuer la fumée directement à l’extérieur. Aucun repas ne peut être servi. Il sera permis d’y fumer la pipe ou le cigare, mais pas la cigarette.

Notez que les salons « moyen-orientaux », où sont consommés des tabacs aromatisés par le biais de pipes à l’eau (narguilés), sont soumis aux mêmes règles que les « cigar lounges ». Les mineurs ne sont évidemment pas admis dans ce type de commerces.

Responsabilité des tenanciers

Les tenanciers de bars ou de restaurants ont la responsabilité de s’assurer que personne ne fume dans leur établissement. Un propriétaire, qui conteste devant la Cour une contravention lui ayant été remise parce que quelqu’un a fumé dans son établissement, doit prouver qu’il n’a pas toléré cet agissement. Au lieu de la présomption d’innocence, la loi suppose qu’il est coupable, jusqu’à preuve du contraire.

Points de vente

À partir du 16 juin 2006, tous les détaillants qui vendent des produits du tabac devront obligatoirement s’inscrire auprès du Registraire des entreprises du Québec. Afin d’empêcher la vente itinérante, notamment par le biais de « cigarette girls » ou de kiosques lors d’événements sportifs ou culturels, la loi définit les points de vente comme étant des lieux fixes et « délimités de façon permanente par des cloisons ou des murs continus s’étendant du sol au plafond, auquel la clientèle ne peut accéder que par une ouverture munie d’une porte et dans lequel on vend, notamment, du tabac au détail ».

Vente de tabac

Alors que par le passé, il était permis de vendre des cigarettes à peu près n’importe où, il sera désormais défendu de le faire à l’extérieur des points de vente dûment enregistrés. De plus, ceux-ci ne peuvent être situés sur le terrain ou à l’intérieur :

  • d’un établissement de santé et de services sociaux (hôpital, CLSC);
  • d’une maison d’enseignement (école, centre de formation professionnelle ou d’éducation des adultes, collège privé, cégep et université);
  • d’un centre de la petite enfance ou d’un service de garde.

Les restaurants, bars, brasseries et tavernes ne pourront plus vendre de cigarettes. Il en va de même pour les commerces reliés directement à une pharmacie. La vente sera également interdite dans les lieux où sont présentés des événements sportifs (aréna), culturels, artistiques, ou de loisirs. La vente par le biais de machines distributrices est maintenant proscrite. Les tenanciers qui possèdent de tels appareils ne peuvent les laisser en place, même s’ils ne servent plus.

Vente aux mineurs

Les détaillants reconnus coupables d’avoir vendu des cigarettes à un jeune de moins de 18 ans recevront désormais une amende de 500 $, alors qu’auparavant, le montant de la première sanction était de 300 $. Leurs employés coupables d’une telle infraction devront quant à eux débourser 300 $.

En plus des contraventions, les propriétaires qui fourniront des cigarettes à des mineurs se verront imposer des sanctions administratives. Ils s’exposent à une interdiction de vendre du tabac pendant un mois. Une récidive leur fera perdre leur permis pour six mois. Les détaillants qui transgresseront la loi trois fois en 5 ans n’auront plus le droit de vendre de tabac pour une période de 2 ans. Lors de la suspension d’un permis de vente, les produits du tabac doivent obligatoirement être reTirés de l’établissement.

Afin de décourager l’incitation au tabagisme, un jeune de moins de 18 ans qui est pris à donner – gratuitement ou contre rétribution – des cigarettes à un autre mineur, sur le terrain d’une école, s’expose à une amende de 50 $, accompagnée de frais de 35 $.

Étalages

À partir du 31 mai 2008, les détaillants ne pourront plus étaler les produits du tabac à la vue des clients, tel qu’ils le font actuellement avec les murs recouvrant l’arrière des caisses enregistreuses. Des renseignements factuels comme les noms ou prix des produits pourront néanmoins être communiqués aux consommateurs.

Boutiques spécialisées

L’interdiction d’étaler les produits ne s’appliquera toutefois pas aux boutiques spécialisées (tabagies et boutiques hors taxes) où la vente de tabac représentait 75 % des recettes totales au cours de l’année précédant le 31 mai 2006. Les propriétaires de ce type d’établissement doivent s’enregistrer auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSSQ) avant le 30 juin 2008. Bien que permis, leurs étalages, affiches promotionnelles et publicités ne pourront être visibles de l’extérieur.

Publicité

La publicité des produits du tabac demeure permise dans les publications dont le lectorat est composé d’au moins 85 % d’adultes. Elle ne peut comporter que du texte et l’illustration d’un emballage ne dépassant pas 10 % de sa superficie. Sont interdits : tous messages destinés aux jeunes, susceptibles de créer une fausse impression, associés à un style de vie, utilisant des témoignages, slogans, ou faisant référence à des personnes, personnages, ou animaux, réels ou fictifs. Une mise en garde de santé doit être apposée sur les publicités. Ces dernières doivent être déposées auprès du MSSSQ dès leur diffusion. Alors que les commandites sont formellement interdites depuis octobre 2003, les dons philanthropiques des cigarettiers, eux, demeurent permis.

Consensus populaire

Selon un sondage de la firme Léger Marketing réalisé en janvier 2006, une forte majorité (83 %) de la population appuie l’interdiction de fumer dans les bars, restaurants et autres endroits publics. Alors que 57 % des fumeurs sont d’accord avec cette mesure, le ratio grimpe à 87 % chez les ex-fumeurs et à 94 % chez les non-fumeurs.

Formuler une plainte

La ligne d’information du Service de lutte contre le tabagisme demeure en fonction. En appelant au 1-877-416-8222, le public peut signaler les infractions dont il a été témoin. Puisqu’il n’est pas possible d’obtenir le suivi d’une plainte précédemment formulée, on suggère de rapporter à nouveau une infraction qui perdure pendant plus de trois mois.

Inspecteurs

En plus d’avoir permis de colmater certaines failles, le renforcement de la loi va aussi faciliter le travail des inspecteurs du Service de lutte contre le tabagisme, qui en assurent le respect. Ceux-ci auront dorénavant le droit de prendre des photos qu’il leur sera possible de déposer auprès du tribunal en cas de litiges. De plus, ils ne pourront plus être poursuivis en justice « pour une omission ou un acte accompli de bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions ».

Leçon d’histoire

En parcourant le Rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac adoptée en 1998, on remarque que celle-ci n’a jamais été appliquée à son plein potentiel en raison du manque de ressources et d’expertise. Après avoir reporté son entrée en vigueur, le gouvernement a fait preuve de beaucoup de clémence à l’égard des contrevenants… si bien qu’il s’est remis plus de billets d’avertissements que de réels constats d’infractions. De plus, certaines sections de la loi, jugées « imprécises », n’ont pratiquement jamais été appliquées.

Lors du renforcement de juin 2005, le ministre Couillard a indiqué que la Loi sur le tabac du Québec serait « une des plus sévères au monde ». Avec toute l’expertise dont nous disposons maintenant, espérons que cette fois, le gouvernement sera moins indulgent dans sa mise en application.

Opposants

Début avril, une poignée d’irréductibles opposants, incluant les tenanciers Voula Demopoulos et Peter Sergakis (qui contestent la validité de la loi devant la Cour supérieure) tentaient toujours d’obtenir un assouplissement, sous prétexte qu’interdire la cigarette des bars leur ferait perdre des revenus. Regroupés au sein de l’« Union des tenanciers de bars du Québec » (fondée le 8 mars dernier), ils ont remis une pétition au bureau montréalais du premier ministre Jean Charest.

Josée Hamelin