La France se libère enfin du tabac

Il ne s’agit pas d’une résolution du Nouvel An, mais bien d’un événement historique réel. Depuis le 1er janvier, il n’est plus permis de fumer à l’intérieur des lieux publics français, en vertu d’un décret adopté en novembre 2006. Alors que les entreprises, établissements de santé, centres sportifs et maisons d’enseignement ont écrasé en février 2007, les restaurants, hôtels, bars, cafés, discothèques et casinos – qui avaient bénéficié d’un sursis – viennent tout juste d’en faire autant.
Grogne chez les buralistes

À la fin novembre, quelque 10 000 buralistes (détaillants de tabac français) sont descendus dans les rues de Paris pour réclamer des assouplissements. Ils voulaient que le gouvernement révise les règles entourant l’aménagement des fumoirs et que les propriétaires de débits de boissons situés en milieux ruraux puissent choisir de permettre ou non l’usage du tabac dans leur établissement.

Loin de consentir à leur demande, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a plutôt rappelé que la concentration de monoxyde de carbone et de particules cancérigènes contenue dans l’air des établissements enfumés constituait une menace pour les clients et le personnel : « Être exposé d’une à sept heures par semaine au tabagisme passif augmente le risque d’infarctus du myocarde de 25 %, tandis qu’une exposition de plus de 21 heures par semaine élève ce risque à 60 %. »

Son prédécesseur, Xavier Bertrand – qui est maintenant ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité – avait affirmé que les Français attendaient avec impatience le moment où tous les lieux publics bénéficieraient d’un air épuré, en rappelant que la première phase du changement (entreprises, hôpitaux et écoles) s’est passée sans heurt. Un sondage, réalisé par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, trois mois avant l’application du décret, confirmait d’ailleurs ses propos, en révélant que quatre Français sur cinq étaient favorables à l’interdiction de fumer.

Les ministres ont également souligné que les pays ayant adopté de telles mesures ont rapidement senti leurs effets positifs, sans qu’il n’y ait de régression économique dans les secteurs touchés.

Des progrès, en dépit des fumoirs

Il y a 17 ans, la France adoptait la loi Evin qui obligeait les restaurateurs et tenanciers de bars à réserver une partie de leurs places aux non-fumeurs, sans que ces sections ne soient délimitées par des cloisons hermétiques. Presque jamais appliquée, cette législation constituait la seule forme de protection dont bénéficiaient les non-fumeurs jusqu’à l’entrée en vigueur du décret. Malgré les protestations des groupes de santé français, qui ont dénoncé leur inefficacité, des fumoirs ventilés peuvent encore être aménagés dans les lieux visés par l’interdiction. Toutefois, aucun service ne peut être délivré à l’intérieur de ceux-ci, et leur taille ne doit pas excéder 20 % de la superficie des établissements où ils se situent.

Prévalence du tabagisme

Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, la France comptait 15 millions de fumeurs en 2005, dont 3 millions d’occasionnels. De plus, 35 millions d’expérimentateurs ont déjà essayé de fumer au moins une fois dans leur vie. Chez les adultes, la prévalence du tabagisme était de 34 %, et les Français de sexe masculin fumaient dans une proportion plus grande que les femmes.

Guide aux chefs d’entreprises

Dans un guide destiné aux chefs d’entreprises et aux salariés, on apprend entre autres qu’en France, l’espérance de vie moyenne des employés de casinos, oeuvrant jusqu’à tout récemment dans des établissements enfumés, est de 63 ans, alors qu’elle dépasse 80 ans dans l’ensemble de la population.

Josée Hamelin