JTI-Macdonald et un ancien dirigeant devront répondre de leurs actes

Accusés au criminel de complot et de fraude pour leur possible implication dans la contrebande de cigarettes qui a sévi au début des années 1990, la troisième compagnie de tabac en importance au pays et un de ses anciens dirigeants, Edward Lang, devront répondre de leurs actes ou convaincre le tribunal de leur innocence. La date de leur procès n’est pas encore fixée, mais il devrait vraisemblablement se tenir au cours des 12 prochains mois.

Dans un jugement d’une trentaine de pages – dont les principales conclusions sont assujetties d’une ordonnance de non-publication – le juge David A. Fairgrieve, de la Cour de justice de l’Ontario, a considéré que les preuves étaient suffisantes pour les citer à procès. Toutefois, les chefs d’accusations qui pesaient contre six autres employés de JTI-Macdonald (anciennement connue sous le nom de RJR-Macdonald) et ses différentes filiales américaines ont été rejetés, faute de preuves.

Le fabricant des Export‘A’ s’est dit satisfait que les accusations portées contre la plupart de ses anciens salariés n’aient pas été retenues, en spécifiant qu’il continuera à assurer la défense d’Edward Lang, qu’il décrit, sans le nommer, comme un « employé injustement accusé ». Se défendant d’avoir, d’une quelconque manière, participé à la contrebande actuelle ou passée, JTI tentera de blanchir sa réputation, qui n’en est pas à sa première éclaboussure en matière de commerce illicite.

Après quatre ans d’enquête, la Gendarmerie royale du Canada déposait des accusations criminelles contre la compagnie, trois sociétés lui étant associées (RJ Reynolds Tobacco, RJ Reynolds Tobacco International et Northern Brand International) et huit de ses anciens employés en février 2003. Elle leur reprochait d’avoir privé les gouvernements du Québec, de l’Ontario et du Canada de plus d’un milliard $ en taxes impayées.

Ces accusations ne sont pas les seules auxquelles le cigarettier fait face. Au mois d’août 2004, Revenu Québec lui faisait parvenir un avis de cotisation de 1,36 milliard $ pour évasion fiscale occasionnée par la contrebande, en estimant avoir un dossier assez étoffé pour justifier un tel paiement. Un an plus tard, le gouvernement fédéral et six provinces décidaient aussi de le poursuivre pour une somme avoisinant les 10 milliards $, en raison de pertes de revenus liées au marché noir.

Stan Smith : témoin potentiel

Dans le présent dossier, parmi tous les accusés, seul Stanley Smith – ex-vice-président des ventes chez RJR-Macdonald – a plaidé coupable au terme de son enquête préliminaire. Plusieurs responsables des groupes antitabac croient qu’il pourrait témoigner contre son ancien collègue et la compagnie.

Rappelons qu’en février 2000, le distributeur Northern Brand International (qui appartenait à RJR-Macdonald) a été reconnu coupable de contrebande de cigarettes canadiennes et a écopé d’une amende de 15 millions $ US.

L’ABC d’un détournement de cigarettes réussi…

Au début des années 1990, plusieurs médias ont rapporté que les cigarettes canadiennes, destinées au marché noir, étaient exportées vers les États-Unis par les manufacturiers légaux, avant d’être réintroduites au pays par le biais de réserves autochtones.

Au plus fort de la crise, les autorités estimaient qu’environ 60 % des cigarettes vendues au Québec provenaient du marché noir. Les fumeurs pouvaient alors se procurer des marques bien connues, comme Du Maurier ou Export‘A’, à moitié prix. De 1990 à 1993, les exportations de l’industrie canadienne du tabac sont passées de 1,7 à 15,7 milliards de cigarettes.

Bien que des perquisitions aient eu lieu chez les trois grands cigarettiers, aucune compagnie n’a encore été reconnue coupable par les tribunaux canadiens d’avoir pris part au commerce illicite.

Josée Hamelin