Imperial Tobacco transfère sa production au Mexique!

Les fumeurs soucieux d’acheter des produits fabriqués au Canada devront bientôt troquer leurs Player’s ou leurs du Maurier pour des marques rivales, puisque c’est au Mexique que seront bientôt manufacturées les cigarettes vendues par Imperial Tobacco.

Le 20 octobre, la compagnie a annoncé qu’elle fermera ses usines ontariennes d’ici 2007, une décision qui lui permettra notamment d’économiser sur les coûts de la main d’oeuvre. Notons que ses concurrents directs, JTI-Macdonald et Rothmans Benson & Hedges, confectionnent toujours leurs cigarettes à Montréal et Québec.

650 emplois perdus

Au cours des deux prochaines années, 650 emplois seront supprimés chez Imperial Tobacco Canada (ITC). L’usine de Guelph, où travaillent 555 personnes, fermera ses portes en 2006 et celle d’Aylmer, qui compte 80 employés, cessera ses activités l’année suivante. De plus, 15 postes doivent être coupés au siège social qui demeurera à Montréal.

Ce transfert de la production vers le Mexique n’est pas la première restructuration majeure effectuée par Imperial Tobacco. Alors qu’en mars 2003, Bob Bexon – le président et chef de la direction de l’époque – expliquait aux membres de l’Association de Marketing de Montréal Comment réussir dans une industrie en déclin, l’entreprise fermait son usine montréalaise et licenciait 840 personnes à la fin de l’année.

Depuis cinq ans, le nombre d’employés de la compagnie est passé de 2 300 à 1 120. Une fois les changements actuels complétés, il restera moins de 500 salariés d’ITC au Canada.

C’est pour maximiser ses profits que le manufacturier a choisi de ne plus fabriquer ses cigarettes au pays. Au cours des dix dernières années, ses coûts de fabrication ont presque doublé et ses ventes ont diminué de 38 %. Selon un document d’information émis par Imperial, la main-d’œuvre représente à elle seule près de 80 % du coût unitaire de fabrication, le salaire moyen des employés mis à pied étant de 84 000 $ par an.

L’usine mexicaine de Monterrey, où seront fabriquées les cigarettes destinées au marché canadien, appartient à British American Tobacco, la maison-mère d’ITC. Les 300 Mexicains qui remplaceront les ouvriers canadiens gagneront le sixième de leur salaire. Selon la compagnie, ce déplacement constitue la meilleure solution et « est essentiel pour assurer sa position de leader à long terme ».

La baisse du taux de tabagisme et la concurrence créée par l’essor des marques économiques sont deux facteurs qui peuvent expliquer le déclin d’Imperial Tobacco. En cinq ans, sa part de marché est passée de 69,5 à 57,3 %. Pourtant l’entreprise demeure toujours très lucrative. En 2004, ses bénéfices nets étaient de 424 millions $.

La fermeture de ses usines ontariennes entraînera des charges exceptionnelles d’environ 525 millions de dollars, une somme amortie sur les trois prochaines années, et dont la majeure partie sera imputée au quatrième trimestre de 2005.

Imperial reste présente au Canada. Elle conserve ses bureaux de vente régionaux et prévoit continuer d’acheter son tabac des producteurs de l’Ontario. De plus, elle a récemment annoncé un investissement de 11 millions $ dans le domaine de la recherche et du développement.

Encourager le cheap labor?

D’après PATH Canada – une organisation sans but lucratif dont le but est d’améliorer la santé des femmes et des enfants dans les pays en développement – les travailleurs du secteur du tabac reçoivent généralement un salaire extrêmement bas. En Inde, ils seraient payés 35 cents par jour pour rouler du tabac alors qu’au Bangladesh, les employés qui travaillent dans les usines gagnent 1,2 cent de l’heure.

Selon la Commission nationale des salaires minimums du Mexique, le salaire minimum est d’environ 5 $ par jour dans la région de Monterrey où seront produites les cigarettes d’Imperial Tobacco. Les nouveaux emplois créés par ITC seront plutôt bien rémunérés.

La générosité selon ITC

Si Imperial Tobacco Canada n’a plus « les moyens » de se payer une main d’oeuvre canadienne, elle a toujours quelques millions à verser à des organismes de bienfaisance… Quatre jours après l’annonce de la fermeture de ses usines ontariennes, elle créait une fondation – la Fondation Imperial Tobacco Canada – qui disposera d’un budget de 6,6 millions $ en 2005 pour financer les secteurs de la santé, des services sociaux, de l’éducation postsecondaire, des arts et de la culture. Cette apparente générosité ne doit cependant pas faire oublier que la majorité des profits de l’entreprise sont expédiés à des actionnaires étrangers.

Josée Hamelin