Il reste beaucoup à faire!

Plus de 750 participants et quelque 230 conférenciers ont pris part à la 4e Conférence nationale sur le tabagisme ou la santé, qui s’est tenue à Ottawa, du 19 au 22 juin. Alors que l’ambiance était plutôt à la fête, en raison de l’adoption récente de lois antitabac dans plusieurs provinces, les organisateurs ont rappelé que malgré les progrès accomplis, il reste beaucoup à faire.

« Encore trop de Canadiens meurent de maladies liées au tabagisme et beaucoup trop de jeunes commencent à fumer », a déploré le Dr Robert Cushman, président de la Conférence. Le médecin en chef de la Ville d’Ottawa juge primordial de préserver la distance qui sépare la communauté de la santé de l’industrie du tabac. Les réalisations actuelles doivent être perçues comme des étapes et non comme une fin en soi. « Il faut continuer à lutter assidûment! », a-t-il lancé aux congressistes.

De plus en plus de personnes sont protégées de la fumée de tabac. Cependant, plusieurs enjeux de taille demeurent. Parmi ceux-ci figurent l’élimination des murs de cigarettes dans les points de vente, la dénormalisation de l’industrie du tabac et l’éradication du tabagisme juvénile. La taxation, la contrebande et la mise en oeuvre de la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont également fait partie des sujets abordés au cours du rassemblement.

Un horaire bien rempli

La journée-type des participants débutait par une séance plénière sur les défis de la lutte d’ici et d’ailleurs. De 8h30 à 10h, des invités de marque succédaient aux « vedettes » de la scène antitabac. Après une pause d’une demi-heure, les intervenants se dispersaient dans différents ateliers. En après-midi, deux périodes d’activités (de 13h30 à 15h et de 15h30 à 17h) permettaient aux congressistes de parfaire leurs connaissances dans les domaines de leur choix, chacun des deux blocs offrant une dizaine d’exposés. Nombreux à assister à la Conférence, les jeunes n’ont pas été négligés, puisque les ateliers susceptibles de les intéresser étaient clairement identifiés à même le programme.

Bien que la quasi-totalité des orateurs se soient exprimés en anglais, un service de traduction simultanée était offert lors des séances plénières et des sessions ayant lieu dans les locaux plus spacieux. Aucun problème majeur n’a troublé le déroulement de la Conférence, si ce n’est l’étroitesse de plusieurs salles – ou la trop grande popularité de certains sujets – qui a entassé une soixantaine de personnes dans des espaces où 40 auraient été confortables.

La cigarette, encore trop abordable

Tous s’entendent pour dire que le prix des cigarettes est un des facteurs qui a le plus d’influence sur les fumeurs, particulièrement sur les jeunes. Alors que les provinces ont pour la plupart haussé leurs taxes sur le tabac, le taux fédéral d’imposition est inchangé depuis juin 2002, a souligné Rob Cunningham, analyste des politiques à la Société canadienne du cancer. De plus, les marques économiques se vendent de 10 à 12 $ de moins par cartouches que les marques régulières, tandis que les cigarettes « à rouler » sont moins taxées que les cigarettes manufacturées.

Aider les pays pauvres

Venu d’Afrique pour relater la situation qui prévaut dans les pays sous-développés, le président de SOS Tabagisme-Niger, Inoussa Saouna, a invité le Canada à s’impliquer davantage dans la lutte antitabac internationale. « Nous [les pays en voie de développement] sommes des cibles de choix pour les multinationales du tabac, a-t-il déclaré. Chez nous, les compagnies de cigarettes font la promotion de leurs produits à l’aide de stratégies qui sont interdites ici par des lois et à des règlements stricts. » Il a exposé qu’il n’est pas rare que des cigarettes soient distribuées gratuitement ou qu’elles soient vendues, de manière itinérante, par de jeunes enfants.

En Inde, si l’argent que les gens dépensent pour le tabac servait à acheter du lait, des oeufs et des fruits, on pourrait éviter que 350 personnes par jour décèdent de malnutrition. « Pour nous, la lutte antitabac est un outil de développement, a-t-il précisé, car, actuellement, la dépendance à la nicotine empêche les fumeurs de suffire à leurs besoins essentiels et à ceux de leur famille. »

« Nous sommes un pays plus riche que beaucoup d’autres, a enchaîné Neil Collishaw, directeur de la recherche pour Médecins pour un Canada sans fumée. Il faut donc favoriser le transfert de notre expertise vers les pays moins avancés en matière de contrôle du tabagisme. » D’après cet ancien employé de l’OMS, le gouvernement devrait exploiter davantage le potentiel des organisations non gouvernementales afin de créer des réseaux mondiaux mandatés pour renforcer le savoir et former des spécialistes. « Il faut se servir des réussites d’ici pour les implanter ailleurs. »

Laissant entrevoir une volonté politique beaucoup plus forte que celle qui a été observée au cours des dernières années, la ministre fédérale déléguée à la Santé, la Dre Carolyn Bennett, a indiqué, lors d’une séance plénière, que le rôle du Canada dans la Convention-cadre pour la lutte antitabac pourrait être renforcé. « Quand on regarde les progrès réalisés par rapport à l’époque où j’ai gradué de l’école de médecine, et où les gens fumaient même dans les salles de cours, il y a un monde, a-t-elle témoigné. Toutefois, la lutte est loin d’être terminée. » La ministre a clos son discours en insistant sur l’importance de dénormaliser l’industrie du tabac, « puisque cela semble être LA stratégie la plus efficace pour contrer l’épidémie de tabagisme ».

L’industrie absente…

Selon les organisateurs, aucun représentant de l’industrie du tabac n’a été signalé sur le site de la Conférence. En 2003, les cigarettiers avaient envoyé des délégués afin d’être au parfum des derniers développements de la lutte antitabac. Afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise, deux références étaient nécessaires pour s’inscrire. Le seul « faux représentant » de l’industrie présent était incarné par Gerard Hasting. Spécialiste du marketing social et directeur du Centre for tobacco control research de l’Université de Stirling, en Écosse, il a brossé un portrait de la situation actuelle, telle que vue par les compagnies de tabac, au cours d’un sketch humoristique. « Continuer à vous féliciter de vos succès, a ironisé le professeur, pendant ce temps, nous élaborons de nouvelles tactiques pour déjouer les lois et règlements en vigueur. »

Un soutien primordial

Réalisation du Conseil canadien pour le contrôle du tabac (CCCT), la 4e Conférence nationale sur le tabagisme ou la santé a eu lieu grâce aux contributions financières du Gouvernement de l’Ontario, de Santé Canada, de Pfizer, de l’Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission, de la Société canadienne du cancer, d’Action Cancer Ontario, de l’Initiative canadienne de recherche pour la lutte contre le tabagisme et de la Fondation des maladies du cœur du Canada. Pour les participants, ce type d’événement constitue une occasion d’actualiser leurs connaissances et de tisser des liens avec des intervenants venus des autres provinces canadiennes ou de l’étranger. Au terme de cette 4e édition, les organisateurs espèrent que chaque congressiste a pu connaître au moins trois personnes, programmes ou concepts qui auront un impact important sur son travail.

Conseil canadien pour le contrôle du tabac

Anciennement connu sous le nom de Conseil canadien sur le tabagisme et la santé, le Conseil canadien pour le contrôle du tabac a été fondé en 1974. Il a pour but d’assurer le transfert des connaissances ainsi que le développement des aptitudes des intervenants et des groupes qui luttent contre le tabagisme, afin d’augmenter l’efficacité de leurs actions. Apprécié au Québec surtout pour son Centre de documentation sur le tabac et la santé, le Conseil disposera cet automne, d’un nouveau site Internet. Le www.ncth.ca devrait demeurer en ligne encore six mois, après quoi les informations qu’il héberge seront définitivement transférées à la nouvelle adresse.

Josée Hamelin