Hollywood et les médias de nouveau pointés du doigt

Alors que des scientifiques le clamaient depuis déjà longtemps, un important rapport émanant d’une agence du gouvernement fédéral américain vient de conclure que la promotion des produits du tabac dans les médias et l’exposition à des scènes de tabagisme dans les films sont tous deux liées à la propagation du tabagisme juvénile.

Parue à la fin de l’été 2008, cette monographie de 684 pages – intitulée The Role of the Media in Promoting and Reducing Tobacco Use – est la 19e sur le tabagisme à être publiée par le National Cancer Institute (NCI) des États-Unis depuis 1991. Cinq rédacteurs scientifiques et 23 auteurs issus de différentes disciplines ont analysé plus de 1 000 études sur le sujet afin de rédiger cette synthèse. Ils en sont arrivés à la conclusion que la presse et les médias de divertissement jouent un rôle clé dans le façonnage des connaissances, opinions, attitudes et comportements qu’adoptent les individus et les collectivités à l’égard du tabac.

Cinéma, télé et imprimés

La cigarette est l’un des produits ayant fait l’objet des plus grands efforts de marketing aux États-Unis, indique le rapport. Entre 1940 et 2005, les cigarettiers ont dépensé quelque 250 milliards de dollars en publicité et en promotion.

Omniprésente au cinéma, elle apparaît dans les trois quarts des films du box-office et une fois sur trois, il est possible de distinguer une marque en particulier. Loin de dépeindre la réalité (qui se caractérise par un déclin de l’usage du tabac au sein de la population), les films d’aujourd’hui renferment deux fois plus de scènes de tabagisme que ceux des années 1970 et 1980. Le tabac figure également dans 20 % des émissions de télé américaines et dans 25 % des vidéoclips, ce qui est plutôt troublant quand on considère que les jeunes qui voient leurs idoles fumer au petit ou au grand écran sont de deux à trois fois plus susceptibles d’expérimenter la cigarette et de devenir fumeurs.

Peu utilisés pour promouvoir directement les produits du tabac, les journaux et les magazines disposent toutefois d’un redoutable pouvoir puisqu’ils influencent l’opinion publique par leurs articles et leurs éditoriaux.

Le pouvoir de changer les choses…

Épidémiologiste et rédacteur en chef des monographies du NCI, Stephen E. Marcus explique que les médias ont joué un rôle essentiel dans l’augmentation du tabagisme au 20e siècle. Par contre, au cours des 40 dernières années, ils ont grandement contribué à la diminution de la prévalence, parce qu’ils ont permis de sensibiliser davantage le public aux dangers associés à la cigarette et de faire évoluer les normes sociales.

Même si d’énormes progrès ont été réalisés dans les pays industrialisés, l’Organisation mondiale de la santé prévoit que d’ici 2015, les décès annuels liés au tabac augmenteront de 6,4 millions, en raison de la hausse du tabagisme sur la scène internationale.

Selon le rapport du National Cancer Institute, les campagnes médiatiques à grand déploiement constituent un moyen efficace de décourager l’usage du tabac, surtout lorsqu’elles sont combinées à d’autres stratégies de contrôle du tabagisme. Tellement efficaces, précise-t-on, que les cigarettiers déploieraient beaucoup d’énergie et de ressources pour tenter de les étouffer et d’anéantir leur financement…

À l’inverse, les programmes de prévention subventionnés par l’industrie du tabac seraient généralement infructueux et pourraient même encourager les adolescents à expérimenter la cigarette.

Pour ce qui est du cinéma, le simple fait de placer des messages antitabac au début des projections dans lesquelles on fume atténuerait en partie l’impact des scènes de tabagisme.

En raison de la nature trompeuse de plusieurs campagnes publicitaires en faveur du tabac et de l’échec de l’industrie à s’autodiscipliner, les auteurs de la monographie signalent qu’interdire la publicité est la seule solution qui permet de protéger adéquatement les jeunes et d’éviter que les compagnies ne substituent tout simplement un moyen de promotion par un autre.

Josée Hamelin