Gatineau sans fumée : la balle est dans le camp de Québec

Dans le but de devenir une ville sans fumée, Gatineau a demandé au gouvernement provincial de modifier la Loi sur le tabac, le 14 octobre dernier. Les élus souhaitent que la fumée soit prochainement éliminée de l’ensemble des lieux publics intérieurs québécois, incluant les restaurants et les bars. Ils veulent aussi que les municipalités obtiennent, de Québec, le pouvoir de légiférer en matière de tabac, comme cela se fait en Ontario et dans d’autres provinces canadiennes.

Alors que sa voisine, Ottawa, jouit d’un air assaini depuis 2001, à Gatineau, près de 70% de la population et plusieurs organismes, dont la Chambre de commerce de l’Outaouais, approuvent l’idée de bannir l’usage du tabac des lieux publics intérieurs. Défendu depuis ses premiers balbutiements par la commission Gatineau ville en santé, le projet d’une ville sans fumée a finalement été sanctionné par le conseil municipal, à condition que Québec en assume la facture estimée à 475 000 $ – 300 000 $ pour l’embauche d’inspecteurs et 175 000 $ pour faire face à d’éventuelles poursuites.

Ancien haut fonctionnaire fédéral et notaire à la retraite, Jacques Roy, qui s’implique personnellement dans le dossier, ne croit pas que la Loi sur le tabac sera modifiée. « Le gouvernement du Québec a un agenda fort chargé de toutes sortes de choses beaucoup plus prioritaires, pour lui, que le tabac », souligne-t-il.

Selon M. Roy, la meilleure solution aurait été que la ville demande un amendement à sa charte municipale (une option qui a également été envisagée) ce qui lui aurait donné le pouvoir de réglementer l’usage du tabac. « Je pense que cette alternative n’a pas été choisie parce qu’il n’y a pas de réelle volonté politique de faire changer les choses, déplore-t-il, mais aussi parce que le Conseil n’était pas prêt à assumer les coûts (475 000 $) reliés à l’implantation d’une politique antitabac ». Des coûts que M. Roy juge d’ailleurs surestimés.

De son côté, le président de Gatineau ville en santé et conseiller municipal, Luc Montreuil, garde espoir. « La résolution de demander au gouvernement de modifier sa loi rejoint, en quelque sorte, la position des restaurateurs et tenanciers de bars qui ne voient pas de problèmes à ce que les lieux publics deviennent totalement sans fumée, dans la mesure où ce serait tous les lieux de la province qui adopteraient cette politique », explique-t-il.

D’après M. Montreuil, Gatineau pourrait recevoir une réponse de Québec avant la fin de l’année 2003. Toutefois, si au début de l’an prochain rien n’a bougé, il n’écarte pas la possibilité de faire pression sur le gouvernement.

Amos sans fumée?

Au cœur de l’Abitibi, dans la petite ville d’Amos (14 000 habitants), un groupe de citoyens aspire, tout comme à Gatineau, au titre de première municipalité québécoise sans fumée. Avec sa campagne de sensibilisation au tabagisme passif « Pas de boucane dans ma cabane », la Coalition abitibienne pour les saines habitudes (CASH) a récemment proposé à la Ville d’interdire l’usage du tabac dans tous les lieux public. Appuyée par plusieurs professionnels de la santé et bon nombre de commerçants, l’initiative ne manque pas d’attirer l’attention de la population et des médias locaux. Une histoire à suivre…

Cornwall et Kingston

En Ontario, où contrairement au Québec, les instances municipales ont le pouvoir de légiférer en matière de tabac, deux règlements ont expulsé la fumée à l’extérieur des lieux publics de Cornwall et Kingston, en mai 2003. Dans ces localités de l’est ontarien, qui comptent respectivement de 47 000 et 113 000 habitants, il est même interdit d’aménager des fumoirs munis d’une ventilation indépendante, à moins d’exception. Depuis l’entrée en vigueur des nouvelles normes antitabac, les seuls endroits où il est toujours possible d’en griller une sont les terrasses extérieures de Cornwall, à condition qu’elles ne soient pas recouvertes à plus de 50 % et les maisons de retraite et salles de bingo de Kingston où des salons ventilés pour fumeurs sont aménagés.

Selon Rick Downes, conseiller municipal de Kingston, la majorité des gens se conforment de bon gré au règlement. « Toutefois, admet-il, plusieurs commerçants sont mécontents parce que dans certaines agglomérations situées en périphérie de la ville, il est toujours permis de fumer, ce qui occasionne un déplacement de la clientèle fumeuse vers ces endroits. » Même son de cloche du côté de Cornwall où l’on aimerait bien qu’une seule législation régisse l’ensemble de la province. Avec l’arrivée du gouvernement libéral en Ontario, les élus de Cornwall pourraient voir leur souhait se réaliser d’ici trois ans, en vertu du programme électoral du nouveau premier ministre Dalton McGuinty.

Josée Hamelin