Essor de la restauration sans fumée à Québec

C’est dans la vieille capitale que l’on retrouve le plus grand nombre de restaurants sans fumée au Québec. Cette avance s’est renforcée en juin par la transformation de trois établissements de la chaîne Le Cochon Dingue et des sept restaurants Chez Cora.

Selon la compilation d’Info-tabac, présentée sur son site Web, la région de Québec compte maintenant 40 restaurants totalement sans fumée, avec service aux tables, face à seulement 27 pour l’Île de Montréal, pourtant trois fois plus populeuse. Sept autres régions totalisent 18 rares havres du genre, pour un total provincial de 85. Il reste sept régions québécoises qui ne compteraient aucun restaurant sans fumée. Bien que notre liste soit incomplète – elle s’appuie surtout sur des signalements de sympathisants -, la très faible proportion de restaurants sans fumée demeure flagrante chez nous, la province comptant environ 10 000 restaurants avec service. Toutefois, l’essor est indéniable dans la capitale.

La bannière Chez Cora s’est distinguée en devenant la première chaîne au Québec, avec service aux tables, à faire un pas important contre la FTE. En conférence de presse le 18 juin, la fondatrice Cora Mussely Tsouflidou a clairement appuyé l’initiative de ses franchisés de la région de Québec. « Ce fut le sujet numéro un du dernier congrès de la chaîne et il faut aller de l’avant partout », a-t-elle révélé. Servant maintenant les dîners, en plus de leurs réputés déjeuners, la plupart des quelque 70 restaurants Cora sont situés dans la province francophone.

Les sept franchisés de la capitale s’inscrivent dans une « tendance forte qui ira en s’accroissant », considère le président de la Corporation des restaurateurs de Québec, Denys Paul-Hus. « Les restaurateurs ont découvert que la majorité du monde ne fume pas et qu’il pouvait être payant de tenir davantage compte de cette majorité », estime-t-il. Quant au président de l’Association des restaurateurs du Québec, François Meunier, il a déclaré que le développement des établissements sans fumée s’expliquait aussi par la prise en compte de la santé des travailleurs de son secteur, un argument plaisant à entendre de la part du dirigeant d’un organisme s’étant jadis opposé aux réglementations contre la FTE.

Pour leur part, les trois restaurants Le Cochon Dingue de Québec ont annoncé le 2 juin qu’ils « proposaient désormais à leur clientèle un environnement sans fumée ». Cette politique « vient ajouter à la satisfaction et au confort de tous les clients », lit-on dans leur communiqué de presse. Selon le copropriétaire Jacques Gauthier, les expériences de législation antitabac sont extrêmement concluantes chez nos voisins anglophones. « Des études récentes ont démontré que les établissements sans fumée étaient fortement appréciés par les consommateurs et que, plus souvent qu’autrement, cela entraînait une légère hausse de l’achalandage », explique le restaurateur.

Le quotidien Le Soleil accorde un bon traitement au dossier de la protection des non-fumeurs. Le 28 juin, il publiait un article de Pierre Champagne intitulé « Fenêtre sur l’air pur – Les restaurants sans fumée se multiplient dans la grande région de Québec ». Selon le journaliste, « On ferme des usines de cigarettes un peu partout, même au Québec. Les places réservées aux fumeurs sont donc de plus en plus limitées dans les restaurants… et ces tables enfumées sont toujours les dernières à être occupées. »

Appui confirmé à Gatineau

Environ 99 % des restaurants québécois offrent toujours des aires plus ou moins enfumées, ce qui est loin de correspondre, ni à des soucis de santé publique, ni aux voeux de la population. Selon un nouveau sondage tenu à Gatineau en mai dernier, 72 % des résidants appuieraient une interdiction totale de fumer dans les restaurants. Le soutien à cette mesure est de 87 % pour les non-fumeurs, de 81 % pour les anciens fumeurs et de 40 % pour les fumeurs. Pas moins de 75 % des répondants sont d’avis que la réglementation sans fumée de la ville voisine d’Ottawa est une bonne décision.

L’interdiction de fumer serait même profitable aux restaurateurs de Gatineau car 40 % des citoyens affirment qu’ils iraient plus souvent dans ces établissements une fois libérés de leur fumée, contre 13 % moins souvent; 41 % n’envisagent pas de changement. Le coefficient de fréquentation augmenterait donc de 27 %. En outre, les Gatinois se disent à 61 % en faveur de l’interdiction de fumer dans les bars; cet appui est de 77 % chez les non-fumeurs, de 71 % chez les anciens fumeurs et de 27 % chez les fumeurs.

Soumis par des chercheurs de l’Université du Québec en Outaouais (UQEO) à 621 adultes de 18 ans ou plus, le sondage comporte une marge d’erreur de 4 %. Questionnés sur leur appui à une réglementation complète, comme à Ottawa (incluant les restaurants et les bars), 69 % des répondants supporteraient un tel renforcement de la loi québécoise sur le tabac. Il s’agit exactement du même appui révélé plus tôt au printemps par un sondage SOM commandité par le quotidien Le Droit et par Radio-Canada.

Beaucoup plus complet, tant par ses 56 questions que par son rapport détaillé, le sondage de l’UQEO a néanmoins eu un écho limité dans les médias, sans doute parce qu’il présentait des résultats similaires à celui de SOM, lequel fut bien couvert, même à travers le Québec. « C’est clair que l’opinion publique favorise des lieux totalement sans fumée, remarque le Dr Lucie Lemieux, directrice de santé publique pour l’Outaouais. On espère que les décideurs politiques sont à l’écoute, tant à Gatineau qu’au niveau provincial. Le contexte médiatique plutôt favorable à cette cause, est aussi de nature à amoindrir leurs réticences. »

Denis Côté