Des groupes pro-santé proposent plusieurs mesures anticontrebande

La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT), l’Association pour les droits des non-fumeurs et la Société canadienne du cancer ont proposé aux élus du peuple un train de mesures additionnelles contre le commerce illicite du tabac :
  • interdire à un fabricant non licencié l’approvisionnement en matières premières, incluant les feuilles de tabac, les filtres, les papiers à cigarettes et les emballages;
  • établir des permis spéciaux pour quiconque importe, exporte ou transporte des matières utilisées dans la fabrication de cigarettes, et tenir un registre des données pertinentes comme c’est déjà le cas pour les tabaculteurs;
  • obliger les détenteurs de ces permis à produire des rapports mensuels en lien avec la fabrication, l’entreposage et la vente de produits du tabac et d’intrants spécifiques à ces produits;
  • mettre en place de meilleurs outils pour appuyer l’interception et la saisie de tabac de contrebande par les divers corps policiers et inspecteurs du Québec, notamment ceux des municipalités, dont un inventaire des produits du tabac vendus légalement au Québec et l’apposition obligatoire par son fabricant d’un marquage codé sur chaque cigarette légale;
  • établir un marquage distinctif des produits destinés à la vente légale dans les réserves et les boutiques transfrontalières ainsi qu’un marquage permanent (« QC ») montrant qu’un produit du tabac est destiné à la vente au Québec;
  • collaborer avec le gouvernement canadien pour améliorer le système de marquage afin d’établir un système de traçabilité des produits de tabac vendus ou distribués au Québec;
  • presser le gouvernement canadien de réaliser avec le gouvernement américain des interventions coordonnées afin de faire fermer les quelque 50 usines illicites de cigarettes, dont celles situées du côté américain de la réserve d’Akwesasne, notamment en leur coupant toutes l’approvisionnement en intrants.
Dans cette campagne financée par l’industrie, on tente de faire croire que la contrebande vise surtout les adolescents, alors qu’ils fument peu et préfèrent les grandes marques.
Tabac non taxé et adolescents : démysthifier

Dans son mémoire à la commission, la CQCT démontre qu’au Québec, d’après des données de 2008-2009 de l’Enquête sur le tabagisme chez les jeunes (ETJ), une enquête à vaste échantillon financée par Santé Canada, 76 % des élèves mineurs fumeurs préféraient consommer les marques vendues dans les dépanneurs et les épiceries par JTI-Macdonald, Imperial Tobacco Canada, Rothmans Benson and Hedges, ou d’autres fabricants opérant légalement.  Seulement 18 % préféraient les cigarettes amérindiennes, malgré leur prix. En plus, l’ETJ indique que les fumeurs de cigarettes mineurs étaient moins nombreux que les fumeurs de cigarillos, des produits qui proviennent presque exclusivement du marché légal.

Dans son mémoire, l’Association des détaillants en alimentation du Québec s’est étonnée que la police ait pincé un revendeur de cigarettes non taxées dans une résidence de personnes âgées. En revanche, le président de l’ADA, Florent Gravel, comme d’autres porte-parole de groupes de marchands devant la commission, s’est montré convaincu que le crime organisé est en plein recrutement dans les cours d’école.

Le reporter d’Info-tabac a observé que cette attitude des marchands irrite certains fonctionnaires que leur devoir de réserve force à la discrétion.  Il leur est difficile de croire que le marché noir prospère grâce aux jeunes du secondaire. Non seulement les fumeurs mineurs préfèrent les grandes marques au tabac de contrebande, et sont plus minoritaires que jamais dans les écoles secondaires, selon l’Institut de la statistique du Québec, mais les adolescents en général, en raison de la dénatalité, pèsent peu sur le marché de la cigarette. L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2010 révèle que les Québécois de 12 à 19 ans qui la fument étaient seulement 117 000, contre 130 000 rien que chez les 65 ans et plus, et 1,32 million chez les 20 à 64 ans.

Les enquêtes de Santé Canada sur l’usage du tabac montrent que la proportion des fumeurs est à un sommet parmi les adultes au milieu de la vingtaine, et diminue ensuite en fonction de l’âge, sous l’effet du décrochage et d’une mortalité plus forte chez les fumeurs. Ces enquêtes indiquent que les fumeurs qui restent pris avec leur dépendance tendent à augmenter au fil de leur vie leur consommation quotidienne, et donc leur dépense en tabac, d’où un intérêt accru à le payer le moins cher possible, surtout quand leur revenu baisse. 

Par comparaison, les élèves mineurs qui fument consomment généralement de petites quantités et déclarent, dans tous les sondages, qu’ils arrivent à obtenir du tabac gratuitement de leurs proches, y compris leurs parents, ou à satisfaire leurs modestes besoins en cigarettes et en cigarillos dans des commerces ayant pignon sur rue, malgré l’interdiction de vente à un mineur inscrite dans les lois québécoise et fédérale.

Pierre Croteau