Cigarettes vitaminées : vieille idée, première québécoise

Des cigarettes « enrichies » de vitamines – une idée abandonnée par les multinationales de tabac – sont récemment devenues une réalité sur les tablettes de quelque 2 000 détaillants de la province. Manufacturées par la compagnie lavalloise Vita-C Tobacco, elles sont vendues comme étant « moins nocives ».

Bien que les dérivés de la combustion des vitamines présentent un danger potentiel, Santé Canada hésite à intervenir, faute d’analyses scientifiques suffisantes. Roger Ouellette, l’homme de 65 ans qui a lancé la « VitaCig », assure qu’il aurait bien aimé la tester davantage, mais puisque « ça coûte entre 50 000 à 60 000 $ par test », il a plutôt choisi mettre son produit en marché, et de le tester ensuite avec une partie des profits réalisés…

Publicisées comme un moyen de « réduire l’irritation des poumons et de l’estomac », les premières cigarettes vitaminées ont été développées par un chercheur suisse dès 1943. On a refusé leur mise en marché, car le risque de surdose de vitamines a été jugé trop grand dans l’éventualité où un fabricant aurait négligé d’évaluer rigoureusement leur rendement. En Suisse, il est donc interdit d’ajouter des vitamines aux produits du tabac et aux spiritueux depuis 1957.

Idée abandonnée par les grands cigarettiers

Les multinationales du tabac ont exploré pendant des décennies l’idée d’une cigarette vitaminée, mais ne l’ont jamais commercialisée. D’abord, leurs recherches concluent que l’ajout de vitamines aux cigarettes n’amoindrit pas leur nocivité. Aussi, lancer un produit dit « moins dommageable » reviendrait à concéder que les cigarettes traditionnelles le sont, indique le Dr André Castonguay, expert en toxicologie du tabac et professeur à la Faculté de pharmacie de l’Université Laval : « Si ces produits étaient vraiment efficaces, ce qui est peu probable, il est étrange que les manufacturiers ne les aient pas mis en marché avant. » En 2004, le Dr Castonguay a d’ailleurs compilé pour Santé Canada les recherches des cigarettiers sur le sujet.

Flairant la bonne affaire, M. Ouellette, qui se décrit comme un « inventeur » et un « antitabac », prépare une VitaCig « légère », qu’il mettra en marché d’ici un an. Il souhaite aussi fonder un « Centre de recherche pour fumeurs » et tente d’obtenir les deux millions $ nécessaires en subventions gouvernementales. Si le démarrage de Vita-C Tobacco a nécessité l’aide de partenaires dont il a préféré taire le nom, M. Ouellette affirme que la recette qu’il a développée reçoit maintenant beaucoup d’attention de la part d’investisseurs étrangers. « Avant vous, j’étais au téléphone avec le Brésil, l’Allemagne, la Chine et les États-Unis. », a-t-il signalé àInfo-tabac.

Produit trompeur

De son côté, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac s’inquiète du caractère trompeur des VitaCig. « On ne s’expose pas à moins de goudron ni à moins de carcinogènes avec ces cigarettes, insiste sa directrice de campagne, Heidi Rathjen. Elles ne font que nuire à la santé publique en donnant l’impression que c’est moins grave de commencer ou de continuer à fumer. » À Santé Canada, Mathew Cook, du Bureau de la réglementation et de la conformité, rappelle qu’il existe des lois interdisant de faire des fausses déclarations au sujet d’un produit.

Cigarettes aux herbes

Les cigarettes aromatisées à base d’herbes échappent encore aux lois antitabac puisqu’elles ne contiennent pas de tabac. (voir Info-tabac no 59). Vendues pour aussi peu que 2 $, leur réglementation est pressante à cause de leur grande popularité auprès des jeunes, qui peuvent les acheter légalement. Les fabricants de ces produits prétendent qu’elles servent à l’arrêt tabagique. Santé Canada, qui procède actuellement à l’analyse chimique du produit, prévoit en divulguer les résultats au début 2007.

Julie Cameron