Cigarettes électroniques | Une industrie en construction

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La cigarette électronique semble bien là pour rester. Survol des grandes forces commerciales de ce nouveau marché.

Les cigarettes électroniques avec nicotine sont illégales au Canada. Par contre, la loi est bien mal respectée puisque les Canadiens peuvent en trouver facilement un peu partout au pays. Seulement au Québec, des boutiques spécialisées en vendent de Montréal à Baie-Comeau! Les cigarettes électroniques sans nicotine, elles, ne sont soumises à aucune règle. Les consommateurs – mineurs ou majeurs – en achètent facilement dans quasiment tous les dépanneurs. Au final, qui sont les principaux fabricants et vendeurs de cette nouvelle industrie et quels types de produits offrent-ils?

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Les ventes de cigarettes électroniques (ou e-cigarettes) ont atteint 3,5 milliards de dollars US à travers le monde en 2013, selon Euromonitor. Approximativement 40 % d’entre elles ont été réalisées aux États-Unis, 30 % en Europe et 30 % ailleurs dans le monde. Pour l’instant, il n’y a pas de données sur les ventes canadiennes, mais celles-ci devraient être disponibles vers la mi-2015 puisque Santé Canada a demandé à la firme Nielsen de mesurer ces ventes au pays. Le Québec n’échappe pas à la vague de la cigarette électronique. En effet, presque tous les dépanneurs vendent désormais des modèles dits sans nicotine (voir l’encadré « Un manque d’encadrement inquiétant »). Désormais, il existe aussi des boutiques de cigarettes électroniques à Montréal, Québec, Saint-Sauveur, Trois-Rivières, Shawinigan, Sept-Îles et Baie-Comeau – pour ne nommer que ces sept villes.

Différents marchés, différents modèles

Les dépanneurs vendent surtout des cigarettes électroniques surnommées cigalikes. On les appelle ainsi parce que leur forme ressemble à s’y méprendre à celle des cigarettes combustibles.

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Comme les « vraies cigarettes », les cigalikes sont aussi habituellement jetables, une fois leur pile épuisée ou leur cartouche d’e-liquide vidée. Certains modèles permettent de recharger la batterie et de remplacer la cartouche avec une autre vendue par le même fabricant. Au Québec, une des marques les plus courantes semble être Vapur, commercialisée par Casa Cubana (aussi distributeur d’une marque populaire de cigarillos aromatisés). On retrouve toutefois également en magasin les e-cigarettes Evo ou Smoke NV. Aux États-Unis, on retrouve aussi les marques FIN ou NJOY dans cette catégorie. Les boutiques spécialisées vendent une autre catégorie de cigarettes électroniques : les tanks ou mods. Contrairement aux cigalikes, les tanks ou les mods sont réutilisables : les vapoteurs rechargent leur appareil et remplissent eux-mêmes le réservoir d’e-liquide lorsqu’il est vide. Contrairement aux cigalikes, les tanks et les mods sont aussi modulables : les usagers peuvent choisir la taille de leur réservoir, la puissance de leur batterie, la forme et la couleur de leur e-cigarette, etc. Les boutiques spécialisées vendent presque toujours les mêmes marques : Joyetech, aspire, kangertech, Innokin, Eleaf, Smoktech et Vision. Malgré leur apparente sophistication, les tanks ou les mods proviennent de Chine, tout comme les cigalikes. Les boutiques qui les vendent – baptisées Vapotech, J’vape, Vape Dépôt, Vaporium, E-vap ou VapoClub – sont généralement de très petites entreprises. Mais certaines prennent de l’ampleur : à lui seul, Vape Dépôt compte une vingtaine de succursales à travers le Québec. Enfin, mentionnons que la plupart des marques les plus populaires aux États- Unis ne sont pas encore vendues au Canada, qu’il s’agisse de MarkTen e-vapor, distribué par Philip Morris, ou des marques indépendantes comme NJOY ou FIN.

Un manque d’encadrement inquiétant

L’un des principaux problèmes de la cigarette électronique est l’absence de normes entourant sa fabrication : matériaux utilisés, voltages, assemblage, instructions fournies, chacun y va comme il veut. Résultat : plusieurs études (dont une de la Société canadienne du cancer – Division du Québec) ont montré que plusieurs e-cigarettes et e-liquides contiennent un taux de nicotine différent de celui affiché sur leur étiquette et même que des modèles affichés sans nicotine… en renferment. Les médias ont aussi rapporté quelques cas d’explosion de piles.

Les cigarettiers : présents, mais discrets

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Les grands cigarettiers sont aussi présents sur le marché de la cigarette électronique, même si à peu près aucun de leurs produits n’est encore vendu au Canada (voir le tableau). Pour l’instant, les fabricants de tabac optent pour des cigalikes, c’est-à-dire des modèles jetables ou rechargeables uniquement avec leurs propres cartouches. Imperial Tobacco a opté pour une stratégie un peu originale. Tout en lançant ses propres marques d’e-cigarettes, le cigarettier basé en Grande-Bretagne a racheté la compagnie et les brevets de Hon Lik, le pharmacien chinois qui a inventé la cigarette électronique moderne. Depuis, le cigarettier poursuit ses principaux compétiteurs, incluant NJOY, FIN et Lorillard. British American Tobacco commercialise aussi Voke, une cigarette électronique en voie d’être reconnue comme un produit pharmaceutique en Grande-Bretagne.

Les e-liquides : un marché à part

Les e-liquides, bizarrement, représentent une industrie indépendante des e-cigarettes. En effet, alors que les boutiques spécialisées achètent leurs cigarettes électroniques en Chine, elles fabriquent souvent elles-mêmes leurs e-liquides. Certains e-liquides, vendus dans les sites de petites annonces comme Kijiji, sont fabriqués par on ne sait qui et proviennent d’on ne sait où. Tout comme les cigarettes électroniques, les e-liquides ne sont soumis à aucune norme. En clair : chaque fabricant crée ses mélanges selon ses propres normes et protocoles. Un fabricant québécois, par exemple, « laisse vieillir » ses e-liquides; le propriétaire d’une autre boutique insiste sur l’équipement de protection que portent ses employés; le propriétaire d’un autre magasin achète ses e-liquides auprès de laboratoires extérieurs; un autre encore se contente, lorsqu’il fabrique un e-liquide, de se laver les mains, de porter des gants et de s’assurer qu’aucun corps étranger n’est tombé dans la fiole… On s’en doute : rien ne peut remplacer un encadrement à la fois solide et global lorsqu’il s’agit de protéger les consommateurs.

Anick Perreault-Labelle