Andy Nulman pris à partie au Festival Juste pour mourir

La lutte aux commandites du tabac s’est déplacée dans le Vieux Port de Montréal à l’occasion du Festival Craven ‘A’ Juste pour rire, alors que les Ayatollahs de la santé et l’Institut thoracique ont protesté, chacun à leur façon, contre cette forme de publicité.

Pour signaler leur ras-le-bol, les Ayatollahs, un regroupement de jeunes militants antitabac, ont employé sensiblement le même humour noir que lors du Festival de jazz quelques semaines plus tôt : une parodie du dépliant officiel du Festival et une personne déguisée en Faucheuse.

Cette fois-ci, c’est Andy Nulman, pdg du Festival, qui a écopé personnellement. On se rappellera que M. Nulman est un des principaux porte-parole du « Ralliement pour la liberté de commandite », une opération de relations publiques financée par l’industrie du tabac dans le but d’affaiblir la loi Dingwall.

Le dépliant des Ayatollahs détruit systématiquement les arguments de M. Nulman à propos des commandites, qui n’auraient aucun effet sur les jeunes mais seraient essentielles à la survie économique de Montréal. « Pas étonnant que le gars travaille dans le milieu de l’humour : où d’autre ferait-on des déclarations aussi farfelues?», écrit-on pour résumer la situation.

Les victimes dénoncent

Sur un ton plus sérieux, l’Institut thoracique a invité les médias à un point de presse avec des victimes du tabac, à côté du site du Festival. « L’association entre l’humour, la rigolade et le tabac est abominable », a affirmé le Dr Ron Olivenstein.

Émile Jasmin, un ex-fumeur de 83 ans qui souffre d’emphysème, a souligné à quel point il était choqué qu’on induise les jeunes en erreur, qu’on leur cache la vérité sur les effets catastrophiques du tabagisme en associant la cigarette au plaisir et à la vitalité.

L’événement a eu un bon écho médiatique : textes avec photos dans La Presse et The Gazette. Le contraste visuel entre l’illusion publicitaire – le bonhomme Craven ‘A’ – et la triste réalité – des photos de poumons endommagés par la cigarette – a frappé l’imagination des journalistes.

Par contre, les agents de sécurité de la Société du Vieux-Port de Montréal ont fait preuve d’un manque d’humour total tant à l’endroit du point de presse que des activités des Ayatollahs.

Alors qu’on permettait au « Ralliement pour la liberté de commandite » de solliciter des signatures pour une pétition contre la loi C-71 au kiosque d’information officiel du festival, on a essayé d’expulser les Ayatollahs du site. La Société du Vieux-Port – pourtant une société de la Couronne fédérale – a même fait venir la police pour tenter de faire arrêter les jeunes militants. Un des agents a prétendu que tout le Vieux-Port est un terrain privé sur lequel les manifestations sont interdites.

Les policiers sont arrivés sur place environ une demi-heure plus tard, mais ont carrément refusé d’intervenir, malgré des demandes répétées des agents de sécurité. « Il se passe rien. Tout est beau! », a affirmé un des policiers avant de repartir.

Lors du point de presse de l’Institut thoracique, les agents de sécurité ont encore une fois affirmé que tout le site est privé et ont dit qu’il fallait avoir une autorisation de la Société du Vieux-Port pour y tenir une conférence de presse. Comme quoi cet organisme se donne le droit de censurer le contenu de conversations privées entre citoyens et journalistes du moment qu’on s’approche du grand A de Craven ‘A’.

Marc Grégoire, vice-président marketing de la Société du Vieux-Port, affirme que dans les deux cas, les agents de sécurité ne faisaient qu’appliquer la politique de la société. « Tout événement dans le Vieux Port doit être encadré », dit-il – même les journalistes de la télévision qui souhaitent faire un topo météo sur le site fédéral doivent faire une demande au préalable.

De plus, poursuit M. Grégoire, la distribution de dépliants est interdite sur le site depuis belle lurette, que les dépliants soient de nature politique ou commerciale. Les visiteurs au Vieux-Port n’appréciaient pas le nombre de feuillets publicitaires qu’on tentait de leur remettre, explique-t-il.

Il semblerait donc que rien n’empêcherait les Ayatollahs, ou tout autre groupe antitabac, de faire une demande officielle en 1998 en vue d’établir un kiosque d’information à côté du site du Festival Juste pour (Mou-)Rir(e). La Société du Vieux-Port pourrait-elle refuser une telle demande? L’avenir nous le dira peut-être…

Francis Thompson