Allan Rock propose des amendements à la loi fédérale

Mettant fin à 14 mois de débats internes vigoureux, le gouvernement fédéral a finalement décidé d’avancer et de reculer en même temps dans le controversé dossier des commandites du tabac.

Toute commandite par les cigarettiers sera définitivement interdite d’ici l’an 2003, a annoncé Allan Rock, ministre fédéral de la Santé. Ceci représente un gain important pour les organismes de santé hors Québec, qui s’attendaient à ce que les cigarettiers utilisent au maximum le créneau publicitaire que leur laissait encore les restrictions contenues dans la loi C-71. Celle-ci prévoyait dès cet octobre l’interdiction de la majeure partie de la publicité de commandite hors site, mais autorisait encore la présence de logos et de noms de marques de cigarettes sur le site des événements culturels et sportifs.

Par contre, l’annonce du 3 juin prévoit un délai supplémentaire de deux ans pour la publicité de commandite tous azimuts. En conférence de presse, M. Rock disait répondre ainsi aux préoccupations des organisateurs d’événements parrainés, qui réclamaient une période supplémentaire pour trouver de nouveaux commanditaires. Les libéraux s’acquittent aussi d’un engagement pris au lendemain de l’adoption de la loi C-71 d’accorder un délai supplémentaire aux écuries de course automobile.

Deux ans après l’adoption des amendements proposés par M. Rock à la loi C-71, les restrictions sur la publicité hors site entreront en vigueur – précisément au moment où le projet de loi du ministre Rochon prévoit une interdiction complète sur le territoire québécois. Trois ans plus tard, le Canada anglais rattrapera le Québec et les États-Unis, devançant de quelques mois l’Union européenne, qui interdira la commandite à partir de 2004.

L’annonce de M. Rock signifie que le nouveau ministre de la Santé et ses alliés dans le caucus libéral du Québec ont perdu une bataille importante au sein du gouvernement : il n’y aura pas de fonds pour remplacer les commandites et venir en aide aux événements culturels et sportifs. La controverse entourant la compensation pour les victimes de l’hépatite C n’y est sans doute pas étrangère : après avoir refusé des dédommagements pour une partie des victimes, les libéraux se voyaient mal offrir des millions de dollars aux différents festivals.

Réactions divergentes

La déception est grande chez les organismes de santé du Canada anglais, qui avaient espéré jusqu’à la dernière minute que M. Rock et ses confrères se rallient au projet de loi du sénateur Colin Kenny, prévoyant un fonds dédié pour remplacer la commandite et combattre le tabagisme juvénile.

À la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, on voit plutôt le côté positif de l’annonce fédéral : tout le discours de l’industrie concernant la supposée nécessité d’une « harmonisation » à la baisse entre les législations canadienne et québécoise est maintenant sans objet.

« Les amendements fédéraux feront en sorte que les restrictions fédérales ne s’appliqueront tout simplement jamais au Québec, a affirmé Louis Gauvin, coordonnateur de la Coalition. Ce sera la loi du ministre Rochon, plus sévère que son homologue fédéral, qui s’appliquera. »

De plus, les événements commandités ont tout intérêt à s’entendre avec le ministre Rochon, puisque Québec offre un programme de compensation alors qu’Ottawa exclut toute aide financière.

Francis Thompson