Adoptée à l’unanimité!

La Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec, le 26 novembre dernier, à la grande satisfaction des groupes de santé et des parlementaires.

La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac éprouve un « grand enthousiasme » pour cette loi qualifiée d’une « des plus avancées au monde »; la Société canadienne du cancer (SCC) – Division du Québec note son « immense satisfaction » pour une loi « robuste et audacieuse. » Les éloges ne manquent pas pour la Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme. Elle permettrait même « d’envisager un avenir sans tabac », selon Lucie Charlebois, ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique du Québec. Ce qui est certain, c’est que la loi crée un précédent et replace le Québec comme leader dans la lutte contre le tabagisme.

Info-tabac 111 Lucie Charlebois
En tant que ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique, Lucie Charlebois a piloté d’une main de maître l’adoption de la Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.

Ces nouvelles mesures résultent d’un travail de longue haleine de la part des groupes de santé. Pendant plus de cinq ans, ils ont mené de nombreuses campagnes afin de sensibiliser les journalistes et les élus à l’importance de réviser cette législation (voir l’encadré « Forte mobilisation des groupes de santé »). La loi telle qu’elle a été adoptée découle aussi de la collaboration des trois principaux partis politiques à l’Assemblée nationale. À un point tel que, le jour de son adoption, Mme Charlebois a embrassé Jean-François Lisée, du Parti Québécois, et François Paradis, de la Coalition Avenir Québec. Les deux élus – et leur parti – avaient travaillé fort pour bonifier substantiellement le projet de loi lors des auditions de la Commission de la santé et des services sociaux (CSSS).

C’est pour quand?
Dès maintenant
  • interdiction de vapoter là où l’usage du tabac est prohibé
  • interdiction de la publicité pour les cigarettes électroniques
En mai 2016
  • interdiction des saveurs dans les produits du tabac
  • interdiction de l’usage du tabac
    • dans les véhicules transportant un passager de moins de 16 ans
    • sur les terrasses
    • sur les terrains de sport et les terrains de jeux pour enfants
En novembre 2016
  • interdiction des « programmes de performance » destinés aux détaillants
  • mises en garde d’au moins 4648 millimètres carrés
En novembre 2017
  • obligation pour les établissements de santé et de services sociaux et les établissements d’enseignement postsecondaire d’avoir adopté une politique pour la création d’environnements sans fumée
Un précédent mondial, un précédent nord-américain
Info-tabac 111 mise en garde
Au Québec, les mises en garde sur les produits du tabac devront désormais mesurer au moins 4648 millimètre carré. Cela prendra presque toute la surface d’un paquet de 20 cigarettes king size comme celui que tient Lucie Charlebois. Cela fera disparaître bien des emballages, dont les paquets étroits des cigarettes minces et ultraminces.

La Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme a trois grands objectifs, a répété Lucie Charlebois devant les journalistes : prévenir le tabagisme chez les jeunes, mieux protéger les non-fumeurs et motiver les fumeurs à se libérer du tabac. Les nombreux amendements qui lui ont été ajoutés vont l’aider à atteindre ses objectifs. À dire vrai, la loi intègre la plupart des mesures réclamées par les groupes de santé. Elle crée même une première mondiale : une surface minimale pour les mises en garde apparaissant sur les produits du tabac, soit 4648 millimètres carrés. Le Québec est aussi le premier territoire en Amérique du Nord – et un des rares dans le monde – à interdire formellement que les fabricants et distributeurs de tabac offrent des ristournes, gratifications ou avantages aux détaillants qui vendent leurs produits.

Parmi les autres mesures adoptées, mentionnons :

  • l’interdiction de l’usage du tabac :
    • dans les véhicules transportant des enfants de moins de 16 ans;
    • sur les terrains sportifs, incluant les espaces destinés au public;
    • dans les aires de jeu pour enfants;
    • en tout temps, sur les terrains des écoles préscolaires, primaires et secondaires et sur celui des centres de formation générale des adultes et des centres de formation professionnelle;
    • sur les terrasses.
  • l’interdiction des saveurs dans les produits du tabac, incluant le menthol;
  • l’interdiction des étalages des accessoires pour les produits du tabac;
  • l’interdiction de mineurs dans les boutiques spécialisées qui étalent des produits du tabac ou des cigarettes électroniques;
  • l’obligation pour les établissements de santé et de services sociaux et des établissements d’enseignement postsecondaire de se doter d’une politique sans fumée;
  • la suppression de l’obligation du Québec d’harmoniser ses normes relatives au contrôle du tabac à celles du gouvernement fédéral.

Somme toute, cette loi est une excellente nouvelle pour la santé des Québécois. Le rapport sur sa mise en œuvre, attendu pour 2020, permettra de voir à quel point la loi a atteint ses objectifs – et, peut-être, comment l’améliorer encore.

Des règles spécifiques pour la cigarette électronique

Info-tabac 111 cigarette électronique

Malgré l’assujettissement des cigarettes électroniques (CE) aux nouvelles règles sur le tabac, ces appareils et leurs accessoires jouiront de règles plus souples, ce qui est normal étant donné leur potentiel comme aide à la cessation tabagique. Ainsi, il sera désormais interdit de vendre des CE aux mineurs et de les utiliser là où le tabac est interdit (même dans les commerces qui en vendent). Il sera également interdit de vendre des CE sous une marque de tabac combustible. Par contre, les CE pourront contenir des saveurs et faire l’objet de publicités dans les médias écrits, à condition que celles-ci ne ciblent pas les mineurs et n’associent pas les CE à un style de vie. Les CE et leurs accessoires pourront être étalés dans les commerces spécialisés, à deux conditions : que ces magasins n’exercent aucune autre activité et transmettent leur nom et adresse au gouvernement. Enfin, aucune mesure ne limite le nombre de ces commerces au Québec.

Forte mobilisation des groupes de santé

Les groupes de santé ont travaillé de concert et de longue date – souvent sous la direction de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac – pour obtenir une révision en profondeur de la Loi sur le tabac. Dès 2009, les associations publiaient une publicité pleine page dans les principaux quotidiens québécois pour réclamer l’interdiction de fumer dans les véhicules transportant des enfants. En août 2013, les groupes ont même invité la ministre de la Santé australienne de l’époque, Ricola Roxon, à témoigner à propos de la mise en œuvre de l’emballage neutre devant la Commission de la santé et des services sociaux du Québec. En 2012 et 2013, les groupes ont profité de la Journée mondiale sans tabac, en mai, pour tenir une conférence de presse demandant que le gouvernement agisse dans le dossier du tabac. À l’été 2013, la SCC a aussi lancé une pétition exigeait quatre mesures (dont l’interdiction complète des saveurs dans les produits du tabac). Celle-ci a récolté plus de 55 000 signatures qui ont été déposées à l’Assemblée nationale par une dizaine de députés.

En 2014, les actions des groupes se sont emballées. En janvier, ils lançaient la campagne La santé avant leurs profits qui allait résulter en l’envoi postal de centaines de lettres au ministre de la Santé de l’époque, le Dr Réjean Hébert. À l’automne, la campagne 10 dans 10 réclamait une loi forte pour réduire le taux de tabagisme du Québec à 10 % dans 10 ans. Un objectif appuyé par une cinquantaine de groupes, plus de 200 municipalités et les trois partis d’opposition à l’Assemblée nationale. Entre ces actions et les pressions de nombreux autres groupes, dont les Directions régionales de santé publique, il va sans dire que la pression était au maximum!

Anick Labelle