À peine un adolescent québécois sur cinq fume

Malgré les efforts déployés par l’industrie du tabac pour rendre son produit attrayant, la cigarette séduit de moins en moins les adolescents. « Depuis 1998, nous assistons à une diminution lente, mais sûre de l’usage de la cigarette chez les élèves du secondaire », révèle l’Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire 2004, dont les résultats ont été dévoilés à la mi-décembre.

Quelque 4 726 élèves provenant de 159 écoles secondaires ont participé à cette enquête. Les données ont été recueillies du 1er novembre au 8 décembre 2004 par le biais d’un questionnaire autoadministré. « Cette méthode permet de minimiser les biais possibles de sous-déclaration en garantissant l’anonymat des répondants », expliquent les auteurs. Ainsi les jeunes qui fument, boivent, se droguent, ou participent à des jeux de hasard à l’insu de leurs parents n’ont pas à avoir peur que leurs comportements soient dénoncés.

Effectuée tous les 2 ans, cette recherche de l’Institut de la statistique du Québec fournit un portrait fiable et détaillé de certains comportements à risque chez les jeunes de 12 à 17 ans. Afin que les résultats puissent être comparés, la méthodologie demeure la même à chaque édition.

Résultats 2004

En 2004, 19 % des élèves du secondaire ont fait usage de tabac. Les 11 % qui ont consommé au moins 100 cigarettes au cours de leur vie sont considérés comme des « fumeurs actuels » – qu’ils fument de façon quotidienne (8 %) ou occasionnelle (3 %). Les 8 % n’ayant pas encore atteint ce seuil constituent les « fumeurs débutants ». S’ils persistent sur la voie de la dépendance, ces derniers basculeront éventuellement dans le camp des fumeurs actuels, sinon, ils joindront les rangs des anciens expérimentateurs.

Depuis 2000, le taux de tabagisme a chuté de 29 % à 19 %, chez les élèves du secondaire. En 2002, il était de 23 %. La prévalence a diminué tant chez les filles que chez les garçons. Cependant, ces dernières sont encore plus nombreuses à fumer et leur consommation décroît moins rapidement. Entre 2002 et 2004, la proportion de fumeuses est passée de 26 % à 23 %. Or, il faut remonter à 2000 (33 %) pour noter une baisse significative de leur prévalence. Le ratio de fumeurs masculins, lui, a connu un déclin plus marqué au cours des six dernières années. De 25 % en 2000, il a reculé à 20 % en 2002, pour finalement atteindre 15 % en 2004.

On observe un ralentissement de la croissance du tabagisme durant les trois premières années du secondaire. Plus la fin du secondaire approche et plus les adolescents sont nombreux à griller la cigarette. Environ 30 % des élèves de secondaire 5 fument, comparativement à 12 % de leurs cadets de secondaire 1. C’est entre la 3e et la 4e secondaire que la consommation de tabac se consolide. La proportion de fumeurs actuels (plus de 100 cigarettes à vie) passe de 9 % à 16 %. Pour sa part, le pourcentage de fumeurs débutants varie de 6 à 10 %, d’une année à l’autre. L’âge moyen auquel les jeunes s’initient au tabac n’a pas tellement changé entre 2002 (12,1 ans) et 2004 (12,3 ans).

La quantité de cigarettes consommées par les élèves du secondaire est semblable à celle des années précédentes. La majorité en fume 2 ou moins par jour, 22 % de 3 à 5 et 20 % de 6 à 10. Seuls 11 % des adolescents en consomment plus d’un demi-paquet sur une base régulière.

La famille et l’argent

L’argent dont disposent les adolescents influence fortement leur statut tabagique. Ceux qui ont un emploi rémunéré à l’extérieur de la maison sont plus nombreux à fumer, 22 % contre 15 %. La proportion de fumeurs est également plus élevée chez les jeunes qui reçoivent une allocation hebdomadaire supérieure à 51 $ (32 %) que chez leurs compagnons à qui l’on fournit entre 11 et 30 $ (19 %) ou 10 $ et moins (11 %).

Bien qu’il y ait habituellement plus d’adeptes de la nicotine chez les jeunes qui vivent avec un ou des proches qui fument, on en dénombre moins dans les familles biparentales que dans les autres structures familiales (monoparentale ou reconstituée), et ce, peu importe le statut tabagique des parents ou des frères et soeurs.

Dépendants et insouciants

En dépit des campagnes d’éducation publique et du flot d’informations qui circulent sur la nocivité des cigarettes, les jeunes cultivent toujours une certaine insouciance, voire une pensée magique à l’égard du tabac. Plus de la moitié des fumeurs (48 %) croient qu’il ne deviendront jamais dépendants et 30 % estiment qu’à leur âge, il n’est pas trop dangereux de fumer parce qu’ils auront le temps d’arrêter plus tard.

C’est à la maison que les jeunes fument le moins. Il faut dire que la majorité (64 %) n’ont pas la permission d’y fumer. « Environ 56 % des élèves qui ont la permission de fumer à la maison consomment leur première cigarette dans les 30 minutes après leur réveil contre environ 12 % de ceux qui n’ont pas une telle permission. » Or, en sachant que le fait de fumer une cigarette dans les 30 minutes suivant le réveil est un indicateur de dépendance, les auteurs de l’enquête supposent que plus de jeunes seraient dépendants s’ils avaient le « droit » de fumer chez eux. En 2004, environ le quart (24 %) des élèves du secondaire qui fument étaient dépendants.

Accessibilité au tabac

Si beaucoup de jeunes (41 %) s’approvisionnent en cigarettes auprès de leurs amis, l’accessibilité au tabac demeure problématique. Plus du tiers des adolescents achètent eux-mêmes leurs cigarettes et 50 % affirment que les commerçants ne refusent jamais de leur en vendre. « Des mesures législatives telles que l’interdiction d’étaler du tabac dans les points de vente […] devraient créer un contexte favorable à la prévention du tabagisme chez les jeunes », suggère l’enquête. Toutefois, il faudra attendre jusqu’en 2008 avant qu’une telle mesure ne soit implantée au Québec.

Exposition à la fumée

Environ le tiers (32 %) des jeunes sont exposés « chaque jour ou presque » à la fumée de tabac à la maison et près de la moitié (47 %) le sont dans la cour d’école. Dans les deux cas, les jeunes qui fument sont plus nombreux à être exposés. Lorsqu’on a demandé aux élèves du secondaire s’il devrait être interdit de fumer dans la cour d’école, 59 % ont approuvé cette mesure, les garçons davantage que les filles, 61 % contre 57 %.

Puisque l’abandon du tabagisme est un phénomène marginal chez les jeunes – à peine 1,5 % des répondants de l’enquête se définissent comme d’anciens fumeurs – la baisse de la prévalence est grandement attribuable au fait que moins de jeunes s’initient au tabac. Le taux de « non-fumeurs depuis toujours » a fait un bond important entre 2000 (54 %) et 2004 (68 %). Fait encourageant, si l’on tient compte de la proportion d’anciens expérimentateurs et d’anciens fumeurs, 81,2 % des élèves du secondaire sont maintenant non-fumeurs.

Polyconsommation

Au départ, l’Enquête chez les élèves du secondaire ne portait que sur le tabac. La consommation d’alcool et de drogues (2000) et la participation aux jeux de hasard (2002) ont successivement été ajoutées. Le tabagisme est désormais le comportement à risque le moins souvent observé chez les jeunes. Dans les 30 jours précédant l’enquête, 38 % ont bu de l’alcool, 23 % se sont drogués et 19 % ont fumé la cigarette. Évaluée sur 12 mois, la participation aux jeux de hasard était de 45 %.

À peine 1 % des adolescents sont des consommateurs uniques de tabac. La plupart (91 %) des fumeurs actuels sont des polyconsommateurs d’alcool et de drogues. C’est également le cas de 72 % des fumeurs débutants et de 23 % des non-fumeurs. Fait plutôt alarmant, entre 2000 et 2004, la proportion de fumeurs actuels ayant une consommation problématique d’alcool et de drogues (nécessitant une intervention spécialisée) a considérablement augmenté, de 22 % à 32 %.

Même s’il n’est pas certain que la cigarette constitue une porte d’entrée vers les autres comportements et qu’il n’est pas démontré que la prévention du tabagisme occasionnerait des baisses de prévalence pour l’alcool, les drogues et le jeu, les auteurs de l’Enquête concluent que « les données sur les différents comportements analysées laissent voir la pertinence d’une approche intégrée en matière d’intervention. »

Un cigare avec ça?

Alors que les jeunes délaissent de plus en plus la cigarette, la consommation de cigares commence à les intéresser. À la question « Au cours des 30 derniers jours, as-tu déjà fumé le cigare, le cigarillo ou le petit cigare, même si c’est juste quelques puffs? », 18 % des jeunes ont répondu « oui », comparativement à 13 % en 2000. Parmi eux, on retrouve des adolescents qui fument la cigarette sur une base quotidienne ou occasionnelle et d’anciens fumeurs. Fait à noter, 6 % des expérimentateurs de cigares n’ont jamais touché à la cigarette.

Josée Hamelin