À la recherche d’une identité… sans tabac!

Parmi les éléments qui ressortent lorsqu’on s’interroge sur les raisons qui amènent les jeunes à fumer, on retrouve fréquemment la fameuse recherche d’une identité, d’une affirmation de soi, d’indépendance, une espèce de rébellion contre l’interdit.

Cette identité, cette affirmation, on va souvent la chercher dans le monde prétendument idéal que nous présentent le cinéma et la télévision, à l’intérieur duquel apparaissent les modèles d’identification. Des modèles qui ont du « rap », comme on dit.

« Fumer c’est cool », me disent certains jeunes. Comment les contredire quand on voit le beau Léonardo Di Caprio, vedette principale du film Titanic, sans doute la production la plus populaire à avoir envahi le grand écran, fumer sans vergogne – non seulement lors de ses prestations cinématographiques, mais aussi en prenant la pose pour des photos destinées à être publiées dans les magazines spécialisés.

Qui peut dire aujourd’hui qu’il n’a pas un jour admiré une personnalité du cinéma ou de la télévision? S’identifier à ces vedettes signifie aussi pour certains, faire comme eux, les imiter.

Selon une étude du professeur Stanton Glantz, de l’Université de Californie à San Francisco, on a noté, depuis le début des années 1990, une recrudescence inquiétante de l’usage du tabac dans les films par rapport à la précédente décennie, où la présence de cette « cochonnerie » si nocive était réduite à son plus strict minimum. Selon lui, pas moins de 57 % des principaux personnages fument des cigarettes et on voit de plus en plus le cigare faire son apparition depuis quelque temps. Toujours selon cette étude, sur toute cette brochette de personnages « boucanneux », seulement 14 % d’entre eux, si on les transportait dans la réalité, devraient faire usage de la cigarette. Une disproportion importante, donc, par rapport à la réalité.

Pas plus brillant au Québec

À une certaine époque, on ne voyait pratiquement jamais les personnages de téléséries ou de téléromans québécois la cigarette au bec. Peut-être y en avait-il, mais on jugeait probablement que ce n’était pas nécessaire et la plupart des comédiens considéraient sans doute que ce n’était pas le meilleur exemple à donner aux jeunes en particulier. Toute une question d’image personnelle devait aussi entrer en ligne de compte. L’image semble avoir pris le bord depuis quelques années.

Aujourd’hui, on regarde des séries telles qu’Omertà, La part des anges, Le volcan tranquille (qui lui au moins s’abstient de fumer!), et on se dit que les compagnies de tabac jouissent sûrement de ce spectacle, grâce à de tels porte-parole qui, en passant, ne sont même pas payés pour en allumer une (à moins qu’il n’y ait des ententes dont on ignore la teneur), et ce, devant des auditoires comprenant des centaines de milliers de téléspectateurs.

Comment peut-on penser, avec un message pareil, que les gens, et à plus forte raison les jeunes, ne soient pas influencés? Car maintenant, ce ne sont plus uniquement les méchants qui fument à la télé ou au cinéma, mais les personnages principaux, les héros.

Dans les émissions visant directement un jeune auditoire, comme Watatatow, on a déjà vu fumer des personnages tels que Mireille, Émilie et Marie, mais on n’a jamais exagéré et, en ce sens, on est beaucoup plus près de la réalité.

La recrudescence de ce phénomène à la télé et au cinéma coïncide étrangement avec un nombre croissant de jeunes fumeurs et ce, tant au Québec qu’aux États-Unis. Les chiffres le démontrent et nous en avons parlé abondamment en ces pages. En plus de la publicité et des commandites du tabac, le poison envahit petits comme grands écrans.

Que peut-on y faire?

Sur le plan personnel, il est évident que les comédiens fumeurs peuvent se livrer à leur habitude en toute liberté. En d’autres mots, ça les regarde. Mais le simple fait de s’abstenir devant la caméra revêtirait un message ayant une toute autre connotation pour les téléspectateurs. Pourquoi ne pas sensibiliser non seulement ceux qui ne fument pas, mais aussi ceux qui fument, à emprunter cette voie?

Un jour, de jeunes comédiens ont été interviewés à la télévision et on leur a demandé pourquoi ils fumaient, notamment avant d’entrer en scène. Ils ont expliqué, entre autres raisons, que cela les aidait à calmer leur anxiété. L’un d’eux a également répondu : « Que voulez-vous qu’on fasse en attendant? Manger une pomme? » Moi, je leur dis : pourquoi pas? L’idée est excellente. Il est rare que l’on développe un cancer à cause d’une consommation régulière de fruits.

Si c’est ça la solution, les pomiculteurs seront heureux et les marchands de mort que sont les compagnies de tabac vont peut-être se recycler et acheter des vergers.

Stéphane Fortier, journaliste et président du conseil d’administration d’Info-tabac.